«Documentaire LES TASSES, PARADIS PERDUS ?»

L'étape de mon exposition LES TASSES à LaVallée-Bruxelles a été marquée par le décès de mon ami Jean-Pierre, 74 ans.
Je l’avais rencontré en 2016, au début du projet, pour enregistrer sa parole. Chatoyant, festif, il témoignait ouvertement sur ces toilettes publiques comme lieu de rencontre incontournable à l'époque. Depuis, on ne s’était plus quittés. Il était très fier que mon livre, dans lequel figure son témoignage, soit nominé pour le Prix Sade. Il est parti quelques jours avant qu'il ne soit auréolé. Je lui ai dédié ce Prix littéraire - ô combien à son goût. Merci au jury pour cette distinction qui l'honore aussi. Aujourd'hui, son départ souligne l'importance de ce travail de mémoire, de transmission...
"LES TASSES, PARADIS PERDUS ?" sera le titre de mon documentaire. Un hommage à Jean-Pierre qui m'avait soufflé ce titre pour une raison qu'il évoque dans son témoignage. Une clef. Bonne route vers les étoiles, mon cher Jean-Pierre. Merci pour ta confiance et ton amitié.

Ci-dessous, voici un extrait de son témoignage, suivi de celui de Hugues, Gerard Koskovich, Patrick Cardon, Rudi Bleys et de ma rencontre avec le binôme AlArmand, deux jeunes queers qui n'ont pas connu les tasses. Ils s'illustrent autour de la dernière vespasienne à Paris, boulevard Arago.

Dans le placard de la belle Histoire, les tasses font tache. La tasse, dans l’argot du siècle dernier, c’était la vespasienne. Érigées dans l’espace public à l’heure de l’hygiénisme, les vespasiennes devaient répondre aux besoins naturels de la population masculine. En privé, les tasses ont répondu à un besoin social. Des hommes en quête d’identité y ont posé les premières pierres du vivre ensemble. « Les pissotières ont mauvaise réputation. Elles sont davantage synonyme de honte que de fierté au sein même de la communauté. Pourtant, ces édifices, qui se confondent avec les aventures de nombreux gays, travestis, prostitués, libertaires, offraient une liberté échappant à tout enjeu économique. Ces lieux de passage et de sociabilité atypique voyaient les classes sociales s’estomper, les cultures se mélanger... On a souvent reproché aux hommes qui fréquentaient les pissotières d’être lâches, qualifié de sordides leurs rencontres en ces lieux publics. Or, n’ont-ils pas osé, en milieu hostile à la diversité, braver les interdits ? N’ont-ils pas, pendant plus d’un siècle, osé affronter des plaisirs défendus par la loi ? J’aimerais qu’on reconnaisse à ces hommes un certain courage. Je voudrais rendre à ces endroits, qui ont abrité tant de frissons, leur part troublante de sensualité ».
Marc Martin.